Auto-entrepreneurs : les dérives d'une méthode

L'exécutif imaginait-il que la réforme du régime de l'auto-entrepreneur deviendrait une telle saga ?

Auto-entrepreneurs : les dérives d'une méthode

L'été est la saison des feuilletons. Mais l'exécutif imaginait-il que la réforme du régime de l'auto-entrepreneur deviendrait une telle saga ? Le ressort dramatique, on le sait, est la volonté de la ministre Sylvia Pinel, de réviser les seuils de chiffre d'affaires au-delà desquels les auto-entrepreneurs doivent basculer dans un régime d'entreprise classique. Une modification souhaitée par les artisans, mais rejetée par les organisations d'auto-entrepreneurs et ceux pour qui il ne faut pas prendre le risque de casser la dynamique générée par ce régime qui a fait près de 900.000 adeptes. Désireux de ne pas multiplier les facteurs de risques dans le domaine économique alors que des poussées de fièvre s'annoncent autour des retraites et du budget 2014, le gouvernement pensait avoir trouvé une issue la semaine passée en renvoyant à une nouvelle concertation, aux travaux de la commission Grandguillaume sur les entreprises individuelles et à un décret la décision sur ces seuils. Et à la veille de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi sur le commerce, l'artisanat et les très petites entreprises, il préfère mettre l'accent sur ce qui change pour les artisans… Mais même cette solution d'attente devient un facteur de problème. Ni les « poussins », fers de lance des auto-entrepreneurs mécontents, ni les artisans n'apprécient ce flou. Et voici que se présente un nouvel écueil fiscal et législatif : renvoyer à un décret une décision conditionnant le barème de l'impôt des entrepreneurs pourrait poser un problème de constitutionnalité…

On ignore si parmi les devoirs de vacances des ministres, à côté des contributions sur la France en 2025, figurait la relecture de Molière, mais difficile, face à cette involontaire comédie, de ne pas penser au « Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? » des « Fourberies de Scapin ». Comment reprendre la main ? Peut-être en évitant dorénavant les dérives de la méthode Hollande dont témoigne la gestion de ce dossier. D'abord en sachant faire le tri dans ses a priori, comme l'idée que les auto-entrepreneurs incarnent une concurrence déloyale pour les artisans. Alors qu'au printemps, rappelons-le, les Inspections générales des Finances et des Affaires sociales parlaient de complémentarité par rapport aux autres régimes. Ensuite, en prenant la mesure des réalités quotidiennes de l'entrepreneuriat. Comment expliquer autrement que le gouvernement n'ait pas vu l'effet délétère, pour un régime censé dynamiser l'esprit d'entreprise, d'un plafond de chiffre d'affaires équivalant au SMIC. Et enfin, en dépassant la croyance qu'il n'est pas de problème qu'une concertation ne puisse résoudre. Seulement voilà, sur ce dossier comme sur beaucoup d'autres, l'urgence n'est plus de faire débattre, mais de décider.
Les Echos 2013