Auto-entrepreneurs : attention aux symboles

Le gouvernement met la dernière main au projet de loi réformant le régime de l'auto-entrepreneur.

Avaler une pilule amère pour le cinquième anniversaire de l'autoentrepreneuriat,..

Le gouvernement met la dernière main au projet de loi réformant le régime de l'auto-entrepreneur. Mais l'histoire n'est peut-être pas tout à fait écrite. Mi-juin, les arbitrages de Matignon avaient abouti à deux annonces emblématiques : la mise en place de nouveaux plafonds de chiffres d'affaires (19.000 euros par an au lieu de 32.600 pour les professions de services ; 47.500 au lieu de 81.500 pour des activités commerciales) et une limitation dans le temps pour ceux dépassant ces seuils sur deux années consécutives, qui devraient alors basculer vers un régime classique.

Le gouvernement, celui-là même qui avait écouté les « pigeons », était alors resté sourd aux protestations des « poussins » l'accusant de vouloir tuer dans l'oeuf leurs auto-entreprises. Ceux-ci s'apprêtaient donc à avaler une pilule amère pour le cinquième anniversaire de l'autoentrepreneuriat, né avec la loi de modernisation de l'économie et qui depuis a attiré 900.000 personnes… Mais le projet de loi tel qu'il est sur la table ne comporte pas les fameux seuils ; la discussion, laisse entendre le gouvernement, resterait ouverte sur le sujet. Il n'est jamais trop tard pour se convertir au pragmatisme.

Car l'exécutif a eu le temps de mesurer à quel point, en jonglant avec ces chiffres, il joue en fait avec le feu. Au-delà des données comptables, l'autoentrepreneuriat est affaire de symboles. Symbole en forme de peau de chagrin, ces fameux 19.000 euros : ils équivalent à un SMIC brut en incluant les charges ; bien peu pour entretenir la flamme de l'esprit d'entreprise. Symbole, aussi, en forme de chiffon rouge, la prétendue concurrence déloyale à l'encontre des artisans qui a tant servi d'argument aux contempteurs des auto-entrepreneurs. Or l'Inspection générale des affaires sociales et celle des finances lui avaient tordu le cou dans un rapport remis en avril : « Les autoentrepreneurs se positionnent de manière préférentielle sur des micromarchés délaissés par les autres entreprises, écrivaient l'IGAS et l'IGF (…). Il n'y a pas de redondance, mais plutôt complémentarité avec les autres régimes. » Symbole enfin, en forme de signal d'alarme, un problème soulevé dès l'esquisse de la réforme : un tel abaissement des plafonds risquerait d'inciter certains autoentrepreneurs à ne pas déclarer l'ensemble de leurs revenus. Alors le régime avait, de toute évidence, ramené nombre d'activités au grand jour sur le plan comptable et donc fiscal, un tel regain de « black » serait pour le moins contreproductif pour l'Etat.

Pour toutes ces raisons, on se prend donc à espérer qu'en rouvrant la porte à un dialogue, le gouvernement réalise enfin que le pépiement des « poussins » n'était rien d'autre que la voix de la sagesse.